Vernissage : le samedi 14.02.26, à partir de 14h
Commissariat : Le Bureau/
Avec les œuvres de :
Béatrice Balcou, Jean-Luc Blanc, Camille Blatrix, Maurice Blaussyld, Michel Blazy, Pierre Bonnard, Étienne Bossut, Émilie Brout & Maxime Marion, Stéphanie Cherpin/Maria Corvocane, Nina Childress, Gaëlle Choisne, Jagna Cuichta, Bady Dalloul, Koenraad Dedobbeleer, Jason Dodge, Mimosa Echard et Christophe Lemaitre, Ryan Gander, Núria Güell, Ramin Haerizadeh, Rokni Haerizadeh et Hesam Rahmanian, My-Lan Hoang-Thuy, It’s Our Playground, Euridice Zaituna Kala, Marie Lund, Liz Magor, François Morellet, Pierre Paulin, Paola Siri Renard, Clément Rodzielski, Joe Scanlan, Charlotte Simonnet, John Smith, Batia Suter, Joëlle Tuerlinckx…
& un programme associé hors les murs dans des lieux partenaires en Île-de-France
Commissariat : Rémi Enguehard, en collaboration avec le service des publics du Frac Île-de-France, et les équipes et commissaires des lieux partenaires
Le Syndrome de Bonnard, présenté au Plateau à Paris et aux Réserves à Romainville du 14 février au 19 juillet 2026, dévoile la part mouvante et ouverte des oeuvres. Entre reprises, réactivations et recyclages, elles poursuivent leur propre trajectoire au-delà de leur entrée dans les collections. Inspirée par les retouches sans fin du peintre Pierre Bonnard (1867-1947), l’exposition, imaginée par le collectif curatorial Le Bureau/, réunit plus de trente artistes français et internationaux pour interroger l’impermanence des oeuvres, la plasticité des récits et le dialogue constamment réinventé entre création et institution.
On raconte que Pierre Bonnard n’a cessé tout au long de sa vie de reprendre ses toiles. Une anecdote en particulier rapporte qu’il fut arrêté par un gardien au Musée du Luxembourg alors qu’il tentait de retoucher subrepticement une minuscule feuille d’arbre d’un de ses tableaux. Marguerite Duras, dans La Vie matérielle, se remémore l’histoire d’un tableau que Bonnard aurait significativement modifié, sans demander l’avis des commanditaires, et rappelle que la création avance rarement en ligne droite : « Ça arrive dans un livre, à un tournant de phrase, vous changez le sujet du livre. (…) Les tableaux, les écrits ne se font pas en toute clarté. »
Ces récits confrontent plusieurs perspectives légitimes : d’un côté, l’institution qui garantit la conservation de l’oeuvre acquise et son inscription patrimoniale dans un récit historique ; de l’autre, le parcours individuel de l’artiste et les mouvements, parfois significatifs, de sa pratique ; enfin, l’interprétation du public, qui varie selon les époques, les aires géographiques…
À partir de la collection du Frac Île-de-France, Le Syndrome de Bonnard explore comment les oeuvres peuvent évoluer après leur acquisition : les tâtonnements de la pratique d’atelier peuvent-ils être ré-examinés par l’artiste une fois son oeuvre inventoriée ? Comment certaines oeuvres peuvent-elles sans cesse être rejouées, réactivées et actualisées ? Que dire du changement de perception d’une oeuvre à la lumière de l’évolution de notre contexte politique, social et environnemental ? Dix ans après avoir réalisé une première exposition¹ consacrée à ces questions, Le Bureau/ joue le jeu de la reprise et approfondit au Plateau et aux Réserves sa réflexion sur l’impermanence d’une oeuvre d’art.
Dans une perspective contemporaine, le « bonnardisme » n’est pas seulement un rapport obsessionnel au travail ou à une recherche sans fin, ce sont aussi les réorientations qui surviennent dans les « récits autorisés »² de l’oeuvre : les bifurcations d’une pratique, l’usure ou la transformation des matériaux, les nouvelles interprétations qui peuvent être activées dans le cadre d’oeuvres immatérielles, l’évolution du regard porté sur les oeuvres en lien avec les changements sociétaux, ou encore la collaboration constante entre artistes et institutions autour des décisions à prendre — montrer, restaurer, adapter…
Déployée sur les deux sites du Frac, l’exposition souligne leurs fonctions propres :
– au Plateau, à Paris, historiquement dédié à la production, elle met en lumière les trajectoires d’artistes et leur rapport au temps comme au contexte sociétal ;
– aux Réserves, à Romainville, lieu de préservation de la collection, elle examine la matérialité des oeuvres et les responsabilités de l’institution. Plus de trente oeuvres de la collection, produites de 1977 à aujourd’hui, dialoguent avec de nouvelles productions. Certaines offrent une lecture actualisée par l’artiste d’une oeuvre parfois acquise dix ans plus tôt, tandis que d’autres proposent une vision contemporaine du « bonnardisme ». Enfin, certaines oeuvres évolueront au fil de l’exposition soit en suivant un protocole établi par les artistes, soit par la nature de leurs caractéristiques physiques. Le Syndrome de Bonnard invite à un dialogue actif avec et entre les oeuvres de la collection, reconsidérant leur dimension vivante, changeante et parfois surprenante, tant matériellement que conceptuellement. Cette ouverture des oeuvres devient un enjeu central de leur réception.
¹ Exposition Le Syndrome de Bonnard, Villa du Parc, centre d’art contemporain, Annemasse, 2014, dans le cadre des 20 ans du Musée d’art moderne et contemporain (MAMCO) à Genève.
² L’expression «récits autorisés» est employée par l’historien Jean-Marc Poinsot pour désigner l’ensemble des récits qui accompagnent une oeuvre (des outils de communication et de médiation, aux publications et aux retombées dans la presse, par exemple) et dont les artistes se saisissent comme des circonstances d’exposition. Cf. Jean-Marc Poinsot, Quand l’oeuvre a lieu. L’art exposé et ses récits autorisés, les presses du réel/ MAMCO, 2008.
Le Bureau/
Le Bureau/ est un collectif qui regroupe des membres aux parcours et formations différents, théoriques ou pratiques. Le collectif a réalisé plus d’une quinzaine d’expositions sur une dizaine d’années, en France et à l’étranger. Au départ, la forme du collectif intègre explicitement le refus d’une position souveraine d’une ou d’un commissaire compris comme autrice ou auteur d’exposition. L’idée est de produire, par un travail collégial, une approche expérimentale de la forme exposition et de penser la question de sa réception, à travers des protocoles précis — comme les règles d’un jeu. En outre, la multiplicité de points de vue des commissaires (soulignée par le «/» apposé au nom du collectif) portés sur les oeuvres permet de valoriser leur polysémie. Une forme spécifique de collaboration qui offre une horizontalité radicale des processus de travail. Aujourd’hui, Le Bureau/ réunit Marc Bembekoff, Garance Chabert, Aurélien Mole, Céline Poulin et Emilie Villez.