Le Plateau
Paris

Thomas Buswell, détail de "nympheas pamphlet", 2024 © Photographie Hélène Janicot

Thomas Buswell
Roseau social

Thomas Buswell est né en 1998 en Suisse, il vit et travaille à Paris.  Il est diplômé de l’École Nationale Supérieure des Beaux-arts de Paris en 2024.

Son travail, qu’il qualifie de « chose à vivre », suggère des tensions entre nature et confort moderne, attraction et répulsion. Par des gestes élémentaires et une attitude sans a priori à l’égard de différentes techniques, Thomas Buswell se met dans un état de disponibilité face au dessin, à la peinture, à la sculpture, à l’installation et au son. Des relations de porosité s’instaurent et la dimension organique de ses installations nous implique dans un vaste écosystème. Dans cette même logique, l’engagement du corps des spectateurs vient prolonger le mouvement initié dans une pulsion proche de celle qui a poussé les premiers hommes à peindre dans les grottes.

Le titre de l’exposition Roseau social s’inspire librement de Pascal qui dans Les Pensées nous livre : « L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant. Il ne faut pas que l’univers entier s’arme pour l’écraser ; une vapeur, une goutte d’eau suffit pour le tuer. Mais quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue, puisqu’il sait qu’il meurt et l’avantage que l’univers a sur lui. L’univers n’en sait rien. ».

Roseau social est aussi un jeu de mots qui convoque la dualité entre les choses terrestres et le virtuel, entre « le roseau pensant » de Pascal et les réseaux sociaux qui infusent nos vies. Il évoque aussi la dimension collective présente dans le travail de Thomas Buswell par l’invitation faite aux visiteurs notamment dans la vitrine ou lors de la traversée des rouleaux autocollants situés dans l’espace d’exposition.

L’installation de Thomas Buswell intègre une fontaine conçue avec plusieurs haut-parleurs recouverts de serpillères plongés dans un bac rempli d’eau prolongé par des excroissances qui se propagent au sol comme des champignons mutants. Rendus inopérants, les mégaphones sans voix nous invitent à les contempler dans une forme de quiétude, telle la fontaine d’une place de village. L’eau qui circule se mêle à de longues coulées de peinture rose, jaune, verte, bleue soulevant l’idée d’une éventuelle contamination. Paradoxalement, l’écoulement de cette eau teintée de vert semble commémorer un cri collectif à l’arrêt, une révolte impuissante et contrainte par cette circulation en circuit fermé.

Les parois de la vitrine qui accueille de l’argile suintent. A contrario de l’usage habituel et clinique de la vitrine, ici, l’espace est octroyé au maniement de la terre visqueuse, coulante et glissante. Les vitres reçoivent l’instabilité de nos gestes, de nos traces, aussi fragiles qu’affirmés. Dans un mouvement de gestes successifs, ce patouillage savoureux qui nous relie aux expérimentations de l’enfance, matérialise un refoulé collectif d’un lien originel à la terre.

Entre l’eau qui perle sur les vitres et celle qui coule dans la fontaine, nous sommes littéralement baignés d’une humidité qui convoque directement notre rapport à notre environnement naturel. C’est à cette vision fragile de l’Homme décrite par Pascal, ce « roseau pensant » qui, atteint par une seule goutte d’eau fléchirait, mais aussi à l’infinité de la nature et à la démesure de l’univers, que Thomas Buswell souhaite sans doute nous éveiller. Les dérèglements climatiques semblent nous le dire régulièrement ; la nature qui ne sait rien, infléchit sur tout ce que l’Homme produit et engendre.

Il n’est donc pas anodin que Thomas Buswell intègre à son installation une peinture qui représente l’existence collective animale en reprenant les codes des Poya, peintures vernaculaires et naïves de montée en alpage des troupeaux. Habituellement disposées au fronton des chalets suisses, ces peintures fournissent l’inventaire du troupeau et soulignent la prospérité des bergers. Cette référence à la peinture populaire se joue avec humour de la dépendance logistique et comptable que nous entretenons en tant qu’humain à l’animal.

 

Commissaire : Maëlle Dault

 

 

Rendez-vous

 

Vernissage

Mercredi 06.11.24, 18h-21h

 

Visite artiste-commissaire

Mercredi 04.12.24, 19h30

avec Thomas Buswell et Maëlle Dault