Commissaire de l’exposition : Xavier Franceschi
Le Frac Île-de-France/ Le Plateau présente la première exposition personnelle en France des artistes portugais João Maria Gusmão et Pedro Paiva.
João Maria Gusmão (1979) et Pedro Paiva (1977) mènent depuis 2001 un travail en commun où, à travers films, installations, sculptures et photographies, des considérations d’ordre philosophique voire métaphysique font émerger autant d’œuvres qui revisitent non sans humour le champ du réel.
En particulier, le duo d’artistes portugais s’ingénie à remettre en cause certaines des certitudes les plus établies quant aux fondements de notre monde. C’est en premier lieu des questions de perception qui sont soulevées, faisant se rejoindre des préoccupations qui par essence sont celles de l’art – la perception de l’œuvre et du monde au travers de l’œuvre – et celles qu’induit toute entreprise de connaissance et de compréhension de l’univers.
Ainsi sont convoquées d’autres conceptions de cet univers, depuis celles qu’ont exprimé les premiers philosophes grecs, jusqu’à celles partagées par nombre de peuples, chez qui l’animisme considère les règnes animal, végétal et minéral comme étant indistinctement traversés par un esprit, une force qu’il s’agirait de révéler.
Au-delà, c’est également dans le champ littéraire que vont puiser les artistes – ainsi du côté de Jarry, de Wells ou Victor Hugo – avec un goût prononcé pour une pataphysique qui traverse sans vergogne tous les champs du savoir, pour des propositions à haute valeur poétique.
Cependant, ce que João Maria Gusmão et Pedro Paiva nous donnent à voir in fine n’a rien d’un discours théorique ou d’un jeu strictement citationnel.
Leurs œuvres nous convient à un ensemble de rencontres et d’expérimentations qui tendent à mettre en lumière des phénomènes hors du commun et s’imposent par leur singularité et leur profonde étrangeté.
Leurs films, par ce mode qui fut pour nombre de scientifiques, notamment dans le champ de l’anthropologie, celui de l’enregistrement du réel, occupent à cet égard une place centrale : systématiquement muets, ils nous font assister à des évènements qui sont pour nous comme autant d’apparitions fantomatiques.
De fait sommes-nous avec Gusmão/Paiva par essence dans le domaine de l’image et nombre de leurs œuvres, qui se définissent par des jeux d’ombres, de lumière et de reflets, semblent hantées par une vision platonicienne qui conférait aux images une valeur primordiale.
Dans cette perspective, les artistes manient en permanence la métaphore, l’analogie et l’ellipse, pour traduire en images les différentes pensées et autres concepts qu’ils se plaisent, qu’ils s’amusent à vouloir évoquer. L’autre trait caractéristique de leur travail est bien cette dimension de jeu qui opère pour notre plus grand plaisir dans l’ensemble de leurs œuvres.
Cet humour à l’œuvre, c’est déjà le comique de certaines situations, voire de certains éléments en eux-mêmes, mais c’est également le fait même de vouloir représenter des idées ou phénomènes a priori extraordinaires : l’entreprise, dans son ambition, confine à l’absurde.
Mais là où l’art de Gusmão/Paiva excelle tient précisément dans cette faculté de parvenir malgré tout à l’effet recherché. Alors que ces moyens – dérisoires – sont livrés tels quels, sans artifice, le charme opère et en cela, le duo d’artistes atteint paradoxalement cette magie qu’ils entendent par principe nous faire vivre.
Le parti pris de l’exposition au Plateau est de se concentrer sur leur production de films et de cameras obscuras. À l’instar de ces objets, de ces éléments qui seraient traversés par un souffle vital, de se concentrer sur ce qui se définit avant tout comme un ensemble d’images animées.
Que les objets aient une vie – de quoi reconsidérer l’autonomie de l’œuvre/objet prônée par nombre d’artistes au cours du siècle dernier – suffit amplement pour tenter d’énoncer une Alien Theory…
Xavier Franceschi
João Maria Gusmão (*1979) et Pedro Paiva (*1977) ont représenté le Portugal à la Biennale de Venise en 2009. Des expositions monographiques dans de nombreux musées et centres d’art contemporains leur ont été consacrées, dont le Wattis Institute for Contemporary Art, San Francisco, le Kunstverein de Hannovre, la Ikon Gallery, Birmingham, le Museu de Arte Contemporâneo de Castilla y Leon, le Swedish Contemporary Art Foundation, Stockholm, le Museu Nacional de Arte Contemporânea, Lisbonne …
Ils ont participé à des manifestations internationales telles que la Biennale de Gwangju en 2010, Manifesta en 2008, la Biennale de Mercolsul à Porto Alegre en 2007, la Biennale de Sao Paulo en 2006.
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